What's happening in Algeria is, for the time being, unreal in that it depicts an unknown world. Its beauty defies reality. And if I had to find an image for it, Botticelli's Birth of Venus is the only one that comes to mind.
The order of things has been reversed, and the Algerian people have decided to stop delegating their world. Every gesture in the demonstrations is born of an imagination secretly guarded by Algerian youth. Long and patiently written in the stadiums, in the jokes, in the souks, in the cafés... the story of this revolution is Algeria's first collective novel.
The youth who took to the streets of every city in the country appeared to the world as the culmination of a humanity: politicized, respectful, organized, loving, generous, proud and breathtakingly beautiful.
We could vainly spend the rest of our lives trying to understand where these young people were prepared, wondering by what magic millions of young Algerians found themselves overnight organizers of demonstrations, guardians of order, drafters of constitutions, defenders of rights. But also, and above all, creators. Each march is a choreography of "forgotten gestures"*. A set of gestures that humanity has been learning since it came into the world: shouting, touching, tasting, feeling and then wanting the world, desiring it and claiming to embody it.
The tenderness with which these young people are breaking with power is unprecedented.
"We're being swept along by a wave of emotions," my brother told me yesterday from Algiers.
A wave of emotions, with tears as their only weapon and laughter as their only defense.
Perhaps this is the inaugural lesson of the new Algerian republic.
*Expression borrowed from Georges Didi-Huberman in his book Le Danseur des solitudes.
Ce qui se passe en Algérie est, pour l’instant, irréel en cela qu’il dessine un monde inconnu. Sa beauté défie sa réalité. Et s’il fallait lui trouver une image, il ne me vient à l’esprit que La Naissance de Vénus de Botticelli.
L’ordre des choses a été inversé et le peuple algérien a pris la décision de ne plus déléguer son monde. Chaque geste dans les manifestations naît d’un imaginaire secrètement gardé par la jeunesse algérienne. Longuement et patiemment écrit dans les stades, dans les blagues, dans les souks, dans les cafés… le récit de cette révolution est le premier roman collectif algérien.
La jeunesse descendue dans les rues de toutes les villes du pays est apparue au monde comme l’aboutissement d’une humanité : politisée, respectueuse, organisée, aimante, généreuse, fière et d’une beauté à couper le souffle.
Nous pourrions en vain passer le reste de notre vie à essayer de comprendre où cette jeunesse a été préparée, nous demander par quelle magie des millions de jeunes Algériennes et Algériens se sont retrouvés du jour au lendemain organisateurs de manifestations, gardiens de l’ordre, rédacteurs de constitution, défenseurs des droits. Mais aussi, et surtout, créatrices et créateurs. Chaque marche procède d’une chorégraphie de «gestes oubliés»*. Un ensemble de gestes que l’humanité apprend depuis sa venue au monde : crier, toucher, goûter, sentir et puis vouloir le monde, le désirer et prétendre l’incarner.
La tendresse avec laquelle cette jeunesse procède pour briser le pouvoir est inédite.
«Nous sommes emportés par une vague d’émotions», m’a dit hier mon frère depuis Alger.
Une vague d’émotions, des larmes pour seule arme, des rires pour seule défense.
C’est peut-être cela la leçon inaugurale de la nouvelle république algérienne.
*Expression que j’emprunte à Georges Didi-Huberman dans son livre Le Danseur des solitudes.
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